Bonté
Bonté
La chaleur nous enveloppait
serrée. A travers le blé d'or,
dans l'air vibrant qui sentait fort,
notre jeunesse galopait.
La terre, pesant animal,
du fond de son rut estival,
nous enivrait par une haleine
tonique, à base d'oxygène.
A l'ombre douce des collines,
murmurant sa chanson câline,
s'écoulait un ruisseau d'argent,
qui m'attirait comme un aimant.
Je regardais l'eau blanche et souple
poursuivre gaîment son chemin,
indifférent à notre couple
d'inquiets et poncifs humains.
Au milieu de cette nature
dont l'égoïsme est pondéré,
j'étais prête à considérer
l'amour avec désinvolture,
à blâmer comme une hérésie,
en ce jour clair et fraternel,
tes soupçons et ta jalousie,
pauvre coeur irrationnel.
Tout est prévu, tout est logique.
Nous vivons dans l'encadrement
précis d'un plan géométrique,
comme de simples éléments.
Pour que nous puissions nous connaître,
tout l'univers a conspiré;
étant ainsi qu'ils devaient être,
nos regards se sont rencontrés.
L'amour trouve dans la sagesse
un rythme pour sa volupté.
Les rancunes ni les promesses
n'en changent la fatalité.
Qu'a-t-il de triste ou de morose?
Dans l'évolution des choses
tout est simple comme un devoir.
Je ne crois pas au désespoir.
De ce ruisseau, j'ai l'âme agile
et cet optimisme en airain,
passant sur l'obstacle fragile
par la forte Loi du Destin.
Je suis vaillante et si prospère,
mon équilibre est si profond,
que de mon coeur jamais n'espère
d'autre vengeance, qu'un pardon.
Amour et sagesse, 1921