adriennelautere

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Au-delà de l'amant

Au-delà de l'amant

 

Je t'aime. c'est certain. Et cependant tu doutes

Sans cesse de mon coeur brusque et capricieux.

L'orgueil en moi, si fort que tout aveu lui coûte.

Isole d'un grand mur le foyer radieux.

 

Jamais tu ne sauras ce dont je suis capable.

Les mots paraissent froids et les gestes menteurs,

L'étreinte est passagère et le baiser instable,

La chose disparue a perdu sa valeur.

 

Je comprends, mon aimé, ta grande inquiétude,

Moi-même, sans raison, en souffrirais aussi.

Mais parlant à mon coeur pendant sa solitude,

Ma très sage sagesse allégea son souci.

 

Elle me conseilla d'aimer avec prudence,

Afin de n'éprouver ni honte, ni regret,

D'exercer une active et froide surveillance

Sur mes désirs plaintifs et sur mes fols attraits.

 

Elle me dit encor: - Sois discret, sois avare;

Prends ton parti de tout sans jamais t'étonner.

Car l'homme est imparfait et son coeur plein de tares,

Ne lui demande pas ce qu'il ne peut donner.

 

Considère celui que ton être réclame

Comme un bel instrument du généreux amour,

Et prête-lui ton corps sans lui donner ton âme.

Amante dans la nuit, oublie avec le jour.

 

Si tu veux de l'amour ne goûter que la joie,

Eparpille ta fièvre et ton besoin d'aimer;

Va cueillant fleurs et fruits sur mainte et mainte voie.

Où l'aveugle nature a voulu les semer.

 

Vois comme fin de tout ton bonheur et toi-même;

Dirige vers ce but le moindre de tes pas.

Aucun homme ne vaut qu'on le garde et qu'on l'aime,

Sois légère, infidèle, et ne t'en repens pas.

 

Ainsi parla longtemps ma sagesse avisée...

Depuis, cher coeur, en vain tu plaides un recours;

Mon corps libre et vaillant, mon âme inapaisée

En se prêtant à toi, se donnent à l'amour.

 

La révolte, 1912.



08/10/2012
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