adriennelautere

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La divine présence

La divine présence

 

Nous serons des enfants, qui s'aiment pour un jour;

Nous folâtrerons tant que nous aurons d'haleine,

Puis nous nous quitterons sans douleur et sans peine,

Et sur le lit défait nous laisserons l'Amour.

 

Il pleurera d'abord, mais, reprenant ses armes,

Promptement ravisé volera vers ailleurs;

Pour l'accueillir, il sait qu'il trouvera des coeurs;

Tant d'autres lui voueront leurs rires et leurs larmes.

 

Des  servants ingénus décorent ses autels,

Les poètes oisifs lui bâtissent des temples;

Mais gardons-nous, ami, de suivre leur exemple!

Ne prononçons jamais de serments éternels.

 

Ayons la fougue heureuse et les ailes légères,

Et le regard moqueur du frivole gamin.

Que notr amour soit rose et clair comme un matin,

Fragile comme les saxes sur l'étagère.

 

Et si nous sentons sourdre une plus grave ardeur

En nos corps alanguis d'une humble inquiétude,

Disons: Ce sont nos sens et non point notre coeur

Qui vibrent à l'éveil de l'immortel prélude:

 

La chaleur du dehors, la splendeur des étés,

Nous troublent à ce point, en dépit de nous-mêmes.

Et c'est alors, dans les traîtresses voluptés.

Que, parmi les baisers, nous murmurons: Je t'aime.

 

Nos membres enlacés, nos soupirs éperdus,

Auront l'égarement des étreintes tragiques, 

Nos yeux éclaireront d'une leur magique

L'enfant blond, taciturne, en son rêve perdu.

 

Il s'enfuira, mais à sa place nous verrons,

Pour un instant surgir, immense et redoutable,

Le Dieu de l'Univers, l'Eros inexorable,

Nous brûlant des soleils qui couronnent son front.

 

Et nous honorerons la divine Présence,

Dont la main conduira notre aveugle conflit;

Et soulagés alors d'un merveilleux oubli,

Nous croirons nous aimer... jusqu'à la délivrance...

 

Or, cet instant passé, quand nous serons bien las,

Le sommeil descendra sur nos paupières closes,

Et nous retrouverons les hommes et les choses...

La vie effacera les traces du combat.

 

Nous nous séparerons, toi, l'homme, et moi, la femme,

Pour guérir la blessure au caprice du jour.

La chambre sera morte où s'ouvrira nos âmes,

Et seul, le lit défait rappellera l'Amour.

 

La révolte, 1912.



08/10/2012
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