adriennelautere

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Le baiser

Amour...

 

"L'amour trouve dans la sagesse

un rythme pour sa volupté.

Les rancunes ni les promesses

n'en changent la fatalité."

(Bonté, page 25).

 

 

 

Le baiser

 

Comme on hume l'air tiède au bord d'une fenêtre,

et qui vient du jardin, tout chargé de printemps,

nous avons respiré sur le seuil de notre être

le souffle contenu par l'écrin de nos dents.

 

Ce baiser attendu qui sembla si facile,

plus changeant que le feu, plus léger qu'un soupir,

n'a-t-il été qu'un jeu de nos lèvres habiles?

Engagions-nous par lui tout le vaste avenir?

 

Je vivais sans amour...La solitude austère

donne au courage humain la trempe du métal.

Mon âme s'envolait éprise de lumière,

mon corps était un doux et docile animal.

 

Je suivais sans désir, paisiblement tenace,

le plan précis qu'avait tracé ma volonté;

et je m'accoutumais à lutter face à face,

gaîment, sans amertume, avec l'humanité.

 

De sa houle confuse et comme possédée,

ma barque experte n'effleura que les sommets.

Vagues souples et radieuses, les Idées

lui donnaient un élan que ma raison aimait.

 

J'avais discipliné cette âme trop fervente

à force d'énergie et de réflexion.

Enfin j'avais acquis la maîtrise savante

dans l'art subtil de manoeuvrer mes passions.

 

Faut-il que tout cela, ma liberté féconde,

ce prudent équilibre et le pouvoir aisé

d'aller où bon me semble et jusqu'au bout du monde,

se fonde en la douceur trompeuse d'un baiser?

 

Toi qui viens sans appel, en ton mâle égoïsme,

barrer ma route, es-tu la ruse ou la candeur?

Ne figures-tu pas le traître antagonisme,

l'amour démoniaque empoisonnant le coeur?

 

Si ta jeunesse ardente aux vanités naïves,

Si ce rire d'audace et ces yeux de clarté

devaient semer un jour les rancoeurs agressives,

qui lèvent sur les champs où meurt la volupté;

 

si le trésor que ta beauté m'apporte,

follement dépensé, nous laissait appauvris;

que nous découvrions en nos âmes moins fortes

pour avoir trop rêvé, des détails flétris;

 

si ce qui nous attend était cette détresse,

si la satiété, le morne désespoir

en menace changeaient la brûlante promesse

que ta lèvre ravit à la mienne ce soir;

 

si notre amour était la prison sans issue

où s'étiole un jour toute vitalité,

s'il lui manquait l'air pur qu'on nomme: liberté,

et s'il se consumait comme un feu diminue,

 

j'arracherais de moi le langoureux désir;

et vers un coin caché de cette vaste terre,

mon âme emporterait, plié dans son mystère,

d'un seul baiser d'amour le profond souvenir!

 

Amour et Sagesse, 1921.



12/10/2012
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