adriennelautere

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Tu m'as dit...

Tu m'as dit...

 

Tu m'as dit que les souvenirs

dressent leurs stèles funéraires

sur les routes, où galopèrent

jadis, tes plus fougueux désirs;

que telle forme, tel visage,

l'éclair d'un mot rieur, ardent,

brillent ineffaçablement

dans le ciel de tel paysage

où tu fus heureux en aimant.

J'ai répondu: - Quand je dirige

vers le passé mon clair regard,

je ne vois contre un ciel blafard

que des fantômes sans prestige.

Espoirs et désirs satisfaits

ne laissent peines ni regrets.

De promesses réalisées

les traces semblent effacées.

Ainsi quand je revois un site

je n'y trouve point incrusté,

pour me distraire ou tourmenter,

le souvenir, ce parasite!

J'y viens avec une âme libre,

et comme un violon qui vibre

sous l'appui caressant du vent,

je sens frémir toutes mes fibres

dans les fortes mains du Présent.

 

O mon enfant jaloux et fier,

vers qui je tourne mon visage,

de nous deux quel est le plus sage?

Le douloureux captif d'hier

et des émotions passées,

ou celle qui d'un vieux décor

oublia l'âme trépassée,

pour y pousuivre sans remords

d'autres plaisirs, d'autres pensées?

L'oubli n'est pas une avanie.

C'est le ressort de la santé.

C'est, sous les cendres de la vie,

la force de ressusciter.

Là où j'ai pleuré de détresse,

je puis savourer la tendresse,

et reconstruire sans fléchir

sous le fardeau des souvenirs,

une maison nouvelle et bonne.

 

Masse informe de l'avenir

que le cerveau pétrit, façonne

à sa guise, l'illusion

qui vous anime et vous couronne,

stimule mon ambition!

Mais les heures qui m'abandonnent

perdent lentement leurs parfums...

Pâles princesses embaumées

qui vécurent pour être aimées,

allongeant leurs charmes défunts

dans la poussière inanimée.

 

 

Amour et Sagesse, 1921



18/11/2012
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