Le fruit divin
Le fruit divin
Cela se passa-t-il dans une chambre close,
aux champs ou dans les bois aux sentiers ombragés?...
Je sais que le soleil en jouant sur les choses,
caressa nos cheveux et nos fronts rapprochés.
Quand le désir nous serre en ses fortes tenailles,
et qu'on ne peut en fuir ni vaincre la douleur,
le corps, prête à céder, sent l'âme qui tressaille,
comme au bord de l'abîme, un cheval pris de peur.
Puis vint une heure dont la grave ardeur ajoute
au poids de ce désir tant de fatalité,
qu'il est comme un calice mûr près d'éclater
qu'il est comme un soleil chassant l'ombre et le doute!
Ma fièvre se calma, lorsque la destinée
nous dit en souriant: "Enfants, qu'attendez-vous?
La beauté de l'amour est si vite fanée;
goûtez le fruit divin qui tombe à vos genoux."
Et ma tête blottie au creux de ton épaule,
je voyais tout autour de notre couple humain
les rayons du soleil tracer une auréole,
et le fil de ma vie échapper à mes mains.
Et lorsque mon passé si fier et si farouche
s'éloignant sans un mot de regret ni d'adieu,
le sanglot de mon âme expira sur ta bouche,
ton regard apaisa l'angoisse de mes yeux.
Amour et Sagesse, 1921.