Retour
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Comme je regarde et respire,
ô mon amour, je te désire...
C'est le seul mot qui ne soit creux!
Tous les autres, on les oublie.
Ils sont, en marge de la vie,
inutiles ou ténébreux.
J'ai humé le printemps en gerbes,
et le silence s'est posé
sur toutes choses du passé,
ainsi qu'un nuage sur l'herbe.
Au grand air, les pauvres rancunes
se décomposent une à une.
Il ne faut plus nous disputer.
Aimer, n'est-ce pas s'adapter?
A voir la nature égoïste
évoluer sans un effroi:
amour, naissance, amour et mort,
je suis devenue optimiste.
Les mécontents sont des fous tristes!
Lorsqu'étendue dans la campagne,
ma chair aspire le soleil,
que sous mes flancs je sens l'éveil
de la terre, chaude compagne,
dont les âpres exhalaisons,
comme la sueur s'évapore
d'un tendre corps en pâmoison,
montent et glissent en mes pores,
qu'un sang léger gonfle mes veines,
alors, vase empli d'oxygène,
du fond de ma passivité,
je savoure la volupté
d'être vigoureuse et sans haine.
Mon être adore la santé.
Voi-tu, c'est la seule morale!
Sans cette puissance animale,
je suis inapte à la bonté.
A l'heure exquise du retour,
frémissant d'un immense amour,
que mille promesses avivent,
je te reviens ardente, active,
prête à renouer nos liens.
Comme tes bras m'étreignent bien...
...et que tes lèvres me sont douces.
Est-ce que l'habitude émousse
jusqu'à l'acuité des sens?
Je t'aime cent fois mieux qu'avant.
Dans ton regard une lumière
monte doucement. Elle éclaire
ce beau pays de l'avenir
que nous avions perdu de vue,
lorsque la paix était rompue.
Je ne veux plus m'en souvenir.
Que désormais la prévoyance
- elle vaut mieux que l'indulgence!
nous apprenne à bien nous tenir.
Mon âme pratique est rebelle
à l'imbécile repentir.
Avant la prochaine querelle
- de quel buisson surgira-t-elle? -
mon amour, laisse-moi partir...
Amour et sagesse, 1921