adriennelautere

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Séparation

Séparation

 

Nous nous sommes doucement séparés, ce jour.

Il faisait gris dehors. Chez toi aussi. L'amour

vacillait faiblement en nos âmes pensives

comme au fond d'une cave, une flamme furtive.

Nous nous parlions derrière un masque de velours,

en gens bien élevés et discrets que nous sommes.

Car nous avons beau être une femme et un homme,

le sauvage abandon nous a manqué toujours.

Et pourtant j'ai senti l'harmonieux lyrisme

naître de l'union de nos deux égoïsmes,

que mes vers ont fleuri, parfumés de douceur,

dans le jardin simple et secret de ma tendresse;

pourtant mon être a su trouver en tes caresses

cette stabilité qui s'appelle: bonheur.

 

 

Qu'allons-nous faire maintenant, trop solitaires?

Nos rancoeurs se mettront-elles dûment en guerre,

ou bien, plus sages, songerons-nous qu'il vaut mieux

chercher dans une attente incertaine mais douce

les espoirs, les désirs, qui meurent et repoussent

suivant les mornes jours et les jours radieux?

 

 

Le soleil revenu, nous sentirons dans l'âme

une douce langueur; nos corps se souviendront...

J'en suis sûre! Je suis l'optimisme fait femme.

Nous nous sommes aimés, nous nous retrouverons.

Là-bas, où je vivrai, loin du bruit, loin des villes,

dans la forêt, peut-être, ou sur les bords d'une île

aux sables argentés, un soir calme, rêveur,

j'entendrai dans la mer et dans le vent qui passe

frémir, comme un rappel à travers les espaces,

le cri de ton désir, le sanglot de ton coeur.

 

 

Nous nous retrouverons, mon aimé, vers l'automne,

avec des sens nouveaux, bravant le monotone

et raisonnable cours des heures. La santé

acquise par raison, nous rendra faméliques

de tendresse et d'oubli dangereux, extatique.

Nous ne serons plus ceux que nous avons été,

amants plaintifs et querelleurs, amants peu sages.

Chacun apportera de nouveaux paysages

au fond de son regard, chacun apportera

des berceuses plus touchantes que l'ancienne

et plus belles. Ton âme enchaînée à la mienne

approuvera ton corps prisonnier de mes bras.

 

 

La séparation, salutaire, s'impose,

l'amour n'étant qu'une musique avec des pauses,

une mesure qui varie infiniment.

"Allegro", dit l'instinct, "andante", la sagesse,

artistes tous les deux, différents par l'adresse...

Mais personne ne sait diriger en aimant.

 

Amour et Sagesse, 1921



27/12/2012
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